Des obstacles à l’acceptation: les stratégies d’évitement qui maintiennent la souffrance

Nous savons que les pensées, les comportements et les émotions s’influencent mutuellement. Des pensées négatives peuvent par exemple générer de la tristesse et un repli sur soi. Pour bien débuter dans ce module, il est important de comprendre le rôle que jouent vos pensées et comment celles-ci peuvent influencer votre comportement et vos émotions durant le processus d’acceptation de la perte. C’est pourquoi dans ce module, nous nous concentrerons sur vos pensées.

Peu après la perte, des pensées parfois très pesantes peuvent apparaître et prendre une place conséquente dans le présent. Un endroit, une odeur, un objet, un souvenir peuvent déclencher chez vous des pensées ou images douloureuses liées à la perte de l’être cher. Ces processus ne sont en général pas contrôlables et peuvent créer de la souffrance. Afin d’éviter une trop grande douleur émotionnelle, les personnes qui ont perdu un proche font recours à des diverses stratégies pour éviter la douleur. Les gens ont quelquefois besoin de se distancer un peu afin de pouvoir reconnaître pleinement la réalité. Au fur et à mesure de la résolution du deuil, le recours à ces stratégies d’évitement diminue et l’acceptation augmente. Cependant, certaines personnes (environ 15% des gens suite à un décès ou à un divorce) ne sont pas en mesure d’abandonner ces stratégies, qui vont au final se retourner contre elles en empêchant une prise de conscience et rendant difficile l’acceptation de la perte de leur proche, prolongeant ainsi la souffrance liée à la perte. Connaître ses propres stratégies peut aider à mieux les prévenir et à favoriser le processus d’acceptation. Vous trouverez ci-dessous une liste des principales stratégies d’évitement :

La rumination : Il s’agit d’une stratégie de pensée faisant intervenir des réflexions répétitives sur les causes et les conséquences de la perte et sur les émotions liées à la perte, empêchant la personne en deuil ou séparée de s’engager dans l’action. Après la mort d’un proche, on peut se poser des questions comme : « et si j’avais pu éviter sa mort ? » ; « si seulement je l’avais incité à arrêter de fumer… ». Dans le cas d’une séparation, nous pourrions nous répéter : “ j’aurais dû faire plus d’efforts pour sauver notre relation”; “ j’aurais dû moins me focaliser sur mon travail”; “C’est de ma faute si on s’est séparés”. Souvent, la rumination concerne des auto reproches. Le travail consiste ici à accepter que nous ne maîtrisons pas tout et que certaines choses ne peuvent pas être changées.

La suppression de pensée : Cela consiste en la suppression intentionnelle d’une pensée indésirable remplacée par d’autres pensées. Lorsqu’un individu encore sous le choc de la perte tente de se distraire de pensées douloureuses liées à la perte, il fait intervenir des sujets qui ne sont pas directement liées à la perte, ce qui entrave le bon déroulement du processus d’acceptation. Une personne divorcée pourrait par exemple se dire “Je vais tenter de ne pas penser à mon ex-mari aujourd’hui” et une personne en deuil pourrait se forcer à ne pas penser au défunt. Bien qu’efficace à très court terme, tenter de supprimer à tout prix nos pensées douloureuses a comme conséquence d’augmenter notre niveau de stress et de péjorer notre humeur.

Le déni : Un déni de courte durée et de faible intensité est une réaction naturelle et normale à la suite de la perte d’un être cher. Cependant, certaines personnes refusent de croire que la perte a bien eu lieu. Le déni concerne le plus souvent l’événement de la perte, le sens de la perte et son irréversibilité:

Nier l’événement de la perte revient à penser que l’événement n’a tout simplement pas eu lieu. Par exemple, certaines personnes en deuil se disent que leur proche est encore vivant, alors qu’il est décédé depuis plusieurs semaines ou mois. Dans le cas d’une séparation, la personne niant l’évènement pourrait décider de ne pas considérer la rupture comme telle et pourrait décider de ne pas annoncer la séparation à ses proches. 

Nier le sens de la perte signifie que la personne en deuil ou séparée tente de minimiser l’importance que la perte a pour elle en disant par exemple : “Il n’était pas un bon mari, je suis contente qu’il soit parti” ou alors “Elle ne me manque pas tant que ça”. Ainsi, celle-ci tente de se convaincre que la perte ne la touche pas, bien que ce soit évidemment le cas.

Enfin, nier l’irréversibilité de la perte consiste, dans le cas du deuil, à se convaincre que le défunt est ailleurs, par exemple en voyage d’affaires, en vacances, ou à l’hôpital. Ces pensées bloquent la personne dans son processus de deuil. Pour une personne séparée, il s’agirait plutôt de se dire que la rupture n’est pas définitive, que le conjoint va revenir et qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe.

L’évitement comportemental : En présence d’une douleur insupportable liée à la réalité de la perte, certaines personnes ont recours à l’évitement comportemental. Certaines personnes en deuil évitent par exemple la visite du lieu de repos, le lieu de décès, la lecture de l’article nécrologique ou de lettres de condoléances, la recherche de photographies, de passer du temps dans certaines pièces de la maison, d’écouter certaines musiques ou de visionner des films qui leur rappelle le défunt, de se rendre dans des endroits fréquentés avec la personne, etc.  Dans le contexte d’une séparation, la personne évite les lieux où elle allait avec son ou sa partenaire: leur restaurant préféré, le cinéma de leur rencontre, et ainsi de suite. Elle évite ainsi de se confronter aux souvenirs et aux pensées douloureuses émergeant dans ces endroits significatifs.

Ces stratégies d’évitement constituent des manières de se protéger de ce qui peut être trop douloureux: la réalité de la perte. Celles-ci nous poussent à éviter des lieux, des événements, des situations, des personnes, mais aussi des pensées risquant de provoquer des émotions douloureuses. Il est important de reconnaître ces mécanismes d’évitement et leur utilité pour nous. Il faut en outre faire preuve d’une grande honnêteté envers soi-même pour se dire par exemple: “Je ne peux pas penser à lui · elle, alors je tente d’éviter tout ce qui pourrait me le rappeler”. Agir sur les pensées permet de maîtriser ou de diminuer l’impact de ces stratégies d’évitement afin de favoriser le processus d’acceptation de la perte. Nous allons maintenant voir comment il est possible d’agir sur vos pensées douloureuses afin de vous aider à avancer.

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